Bonjour et bienvenue dans notre News “Stéphan Décrypte” ! Chaque semaine, Stéphan Bourcieu, directeur de notre École et Docteur en Sciences de Gestion, décrypte pour vous l’actualité mondiale et apporte des clés de lecture utiles pour nourrir vos copies d’ESH ou de géopolitique cette année.
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Accord Union Européenne-Chine :
Le jeu en vaut-il la chandelle ?
Sauvée par le gong… C’est le 30 décembre, à quelques heures de la fin de la présidence allemande de l’Union Européenne qu’Angela Merkel a pu annoncer la signature de l’accord global sur les investissements entre l’Union Européenne et la Chine. C’est la conclusion d’une négociation engagée depuis 2013 entre les autorités européennes et chinoises.
Un tel accord n’est pas illogique quand on sait que la Chine est le premier partenaire commercial de l’Union Européenne et, qu’entre 2000 et 2020, l’UE (hors UK) a investi en Chine un montant cumulé de 181 milliards de dollars, alors que dans le même temps, la Chine investissait 138 milliards de dollars dans les pays de l’UE (hors UK).
Pour l’UE, cet accord a avant tout une portée économique.
Il vise en effet à donner un meilleur accès aux investissements de ses entreprises sur le marché intérieur chinois. Celles-ci pourront plus facilement investir en Chine dans un certain nombre de secteurs jusque-là protégés : – Les services financiers,
– Les télécoms, et en particulier les services de cloud, encore fermés aux étrangers,
– Les services (la publicité, les services de réservation de billets d’avions),
– Les secteurs médical et paramédical seront ouverts dans les villes de plus de 10 millions d’habitants. Cette ouverture intéresse au plus haut point les acteurs français de la santé (hôpitaux privés et maisons de retraite),
– L’industrie automobile avec l’allègement des contraintes pour les voitures hybrides et électriques. L’UE se targue d’avoir également obtenu de Pékin un accord sur la transparence des subventions perçues par les entreprises chinoises évoluant à l’international.
Pour Pékin, l’intérêt de l’accord dépasse la seule portée économique.
Bien que ses entreprises continuent d’investir en Europe, la Chine se focalise aujourd’hui beaucoup plus qu’en 2013 sur sa demande intérieure. Elle obtient certes des concessions sur l’accès au marché européen de l’énergie, et en particulier l’investissement dans les renouvelables dans la limite de 5% de parts de marché dans chaque état membre.
Mais plus que la dimension économique, c’est l’impact politique de cet accord qui a conduit Pékin à faire des concessions inimaginables il y a deux ans encore.
Cet accord permet en effet à la Chine de rompre l’isolement dans lequel l’administration Trump s’est efforcée de la pousser depuis quatre ans. Il intervient également quelques semaines après la communication (le 2 décembre 2020) par le Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité d’une proposition de nouvel agenda transatlantique, tourné vers l’avenir, basé sur des valeurs et intérêts communs et pour lesquels un leadership mondial associant États-Unis et Europe est nécessaire. De là à penser que l’accord sino-européen viserait à perturber les velléités de rapprochement entre l’administration Biden et l’Union Européenne, il n’y a qu’un pas.
Un accord profitable à l’Allemagne ?
La temporalité de l’accord sert donc manifestement les intérêts chinois. On peut également penser qu’elle sert les intérêts allemands.
Alors que l’Allemagne a souvent été critique vis-à-vis des investissements chinois, à l’exemple des nouvelles routes de la soie, sa chancelière Angela Merkel a beaucoup poussé pour obtenir un accord au cours de sa présidence de l’UE.
Le volet automobile de l’accord sert en effet les intérêts des constructeurs allemands pour qui le marché chinois est absolument incontournable. Certains observateurs disent que l’Europe aurait ainsi troqué ses valeurs, son âme, sa place dans l’histoire pour offrir des débouchés à Audi, BMW, Mercedes et VW.
Le volet humanitaire et social n’est pourtant pas absent dans cet accord. L’Union Européenne affirme avoir obtenu des avancées en matière climatique et sur le travail forcé.
Cet accord peut-il véritablement durer ?
D’aucuns s’interrogent sur le respect de ces engagements, formulés du bout des lèvres par les négociateurs chinois.
Cet accord est d’autant plus décrié qu’il intervient dans un contexte où la politique intérieure chinoise n’a jamais été autant critiquée. La communauté internationale commence en effet à s’émouvoir de la situation des Ouïghours. Ainsi le Royaume-Uni a annoncé le 11 janvier qu’il allait bannir l’importation de tout bien suspecté d’être lié au travail forcé de ce peuple. Selon The Guardian, des amendes pourraient être infligées aux entreprises ne respectant pas leurs engagements.
La situation de Hong Kong est également l’objet de critiques, même si, avec la prise du Capitole, la Chine a beau jeu de rappeler qu’aux États-Unis les autorités sont aussi obligées de faire usage de la force pour maitriser les manifestants.
Enfin la communauté internationale s’interroge sur la disparition depuis fin octobre de Jack Ma et la nationalisation annoncée de sa société Alibaba.
Reste à savoir si les termes de cet accord seront respectés dans la durée et si les entreprises européennes pourront effectivement bénéficier de la libéralisation de secteurs d’activités jusque-là très protégés. Et d’autres sujets relatifs aux investissements chinois en Europe pourraient rapidement émerger : selon le site Asia News, la Chine aurait ainsi tenté d’ajouter une clause de dernière minute à l’accord ; clause qui aurait gelé les avantages pour les Etats de l’UE qui ont interdit Huawei. La conclusion de cet accord n’est que le début d’autre chose … tiens, ça ressemble à un proverbe chinois 😉.
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